mardi 8 mars 2016

Cognac et Armagnac (et autres)


Le présent article a pour but de montrer les similitudes et les différences entre ces 2 eaux-de-vie. Si des détails peuvent être recherchés sur ce blog (dans d’autres articles) en ce qui concerne le cognac, tel n’est pas le cas pour l’armagnac. Rappelons que le présent blog est consacré au cognac. Je ne me permets pas non plus d’évaluer ces deux eaux-de-vie entre elles et/ou déclarer l’une supérieure à l’autre. Il y en a qui préfèrent le cognac, d’autres l’armagnac, chacun ayant ses raisons, mais il y en a certainement aussi qui adorent les deux.

Il ne faut pas cacher que le présent article, avec les recherches nécessaires d’un consommateur-amateur de cognac, avait aussi comme objectif de faire brièvement le tour des spécificités de ces 2 eaux-de-vie pour mieux cerner les subtilités des 2 produits afin de permettre de les différencier objectivement. Qui dit consommateur, dit aussi non-expert. Ceci entraîne ma demande que des experts avertis  sont invités à me donner des feedbacks sur les erreurs que j’aurais commises.

Le cognac et l’armagnac par rapport à d’autres eaux-de-vie :

Précisons d’office que le cognac et l’armagnac sont des eaux-de-vie obtenues sur base d’une distillation (simple ou double) de vin [Branntwein (allemand), brandewijn (néerlandais), spirits (anglais)].

Tel n’est pas le cas pour d’autres eaux-de-vie. Ainsi, selon Wikipédia, les bases pour obtenir d’autres eaux de vie sont les suivantes : pour le «whisky (moût de maïs, blé ou orge), la vodka (blé ou pomme de terre), l’aquavit (céréales ou pomme de terre), le rhum (canne à sucre), le calvados et lambig (cidre ou poiré), le saké (riz), la tequila et le mezcal (agave tequilana), le  gin et le genièvre (orge, seigle, maïs et baies de genévrier), l’abricotine, la gentiane, la boukha (figue), le kirsch (cerise) et autres.

En dehors du cognac et de l’armagnac, on trouve encore essentiellement en France les eaux-de-vie suivantes : Fine de Bourgogne, calvados, la Kirsch et les marcs dans différentes régions de la France.

Certains marcs (dont la base est un sous-produit de la vinification) sont des appellations reconnues, à l’instar du cognac et de l’armagnac :

  • Eau-de-vie de marc de Muscat de Beaumes-de-Venise
  • Eau-de-vie de marc de Châteauneuf-du-Pape
  • Eau-de-vie de marc de Gigondas
  • Eau-de-vie de marc de Beaujolais
  • Eau-de-vie de marc de Chardonnay
  • Eau-de-vie de marc de Bourgogne
  • Eau-de-vie de marc du Jura
  • Eau-de-vie de marc d'Auvergne
  • Eau-de-vie de marc de gewurztraminer d'Alsace
  • le marc d'Alsace, AOC depuis 2009

L'eau-de-vie de marc est le produit d'un procédé de distillation du marc de raisin (tout ce qui reste du pressurage des raisins : peaux, rafles et pépins), préalablement fermenté.
1er point commun au cognac et à l’armagnac :
Le mot d’ordre est donné : AOC. Selon Wikipédia, « l'appellation d'origine contrôlée (AOC) est un label officiel français identifiant un produit dont les étapes de fabrication (production et transformation) sont réalisées dans une même zone géographique et selon un savoir-faire reconnu.
Rappelons que l’AOC ne couvre pas seulement le vin et les eaux-de-vie, mais encore les cidres, fruits, légumes, produits laitiers, miels et autres. L’AOC/AOP pour le cognac est reconnue depuis 1919 par rapport à celle de l’armagnac qui existe depuis 1936.
Pour le cognac :
Le cahier des charges concernant le cognac définit explicitement les communes autorisées par département, arrondissements et cantons dans lesquels celui-cipeut-être produit. Cet ensemble de lieux « autorisés » est départagé en 6 crus et terroirs (voir article « Les crus du Cognac » dans le présent blog, archives 30 août 2015) :
·         Grande Champagne
·         Petite Champagne
·         Borderies
·         Fins Bois
·         Bons Bois
·         Bois ordinaires.
La carte des crus du Cognac.
 
Les départements essentiellement concernées sont la Charente et la Charente Maritime.
Pour l’armagnac :
L’armagnac dispose, comme pour le cognac, aussi de son cahier de charges.
Les appellations d’origine contrôlée « armagnac » sont produites dans les 3 départements du Gers, des Landes et du Lot-et-Garonne, se situant plus au Sud des 2 Charentes, territoire AOC du Cognac.

On peut caractériser cette situation géographique encore d’une autre manière en disant que les 2 AOC sont, en gros, séparées par les 2 départements de la Gironde et de la Dordogne. Il n’est donc pas étonnant qu’on retrouve des similitudes, comme aussi des différences à cause de cette proximité géographique, malgré un certain éloignement, les territoires de l’Armagnac ayant par exemple un climat plus chaud.
On distingue essentiellement les 3 territoires suivants en ce qui concerne l’armagnac :
  • Le Bas-Armagnac
  • L'armagnac Ténazère
  • Le Haut-Armagnac


Signalons que le whiskey, la vodka et le rhum ne sont pas des AOC et que ces eaux-de-vie peuvent être produites n’importe où dans le monde. Ainsi un Luxembourgeois pourrait produire du whiskey au Luxembourg, un belge de la Vodka dans son pays et un thaïlandais du rhum dans son Far East. Il suffit d’avoir la matière première sous la  main. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y ait pas des pays spécialisés dans la production de certaines eaux de vie : le whiskey écossais, le rhum cubain ou la vodka russe, par exemple.
2ième point commun au cognac et à l’armagnac :
Les 2 appellations sont chaperonnées par des bureaux nationaux interprofessionnels :
·         Pour le cognac : B.N.I.C. (bureau national interprofessionnel du cognac)
·         Pour l’Armagnac : B.N.I.A. (bureau national interprofessionnel de l’armagnac)
Ces deux bureaux ont des missions similaires : assistance technique et pratique, études et recherches, contrôle et suivi de la production et des produits, veille de l’application des règles découlant de l’AOC, assurance de la promotion du produit et autres activités.
3ième point commun au cognac et à l’armagnac :
Le vieillissement des produits sortants de la distillation est un des processus clé dans la production des 2 eaux-de-vie, sachant cependant que beaucoup d’autres paramètres ont aussi leur importance, le concours des tous ces facteurs étant nécessaire pour faire des produits de qualité avec leurs spécificités faisant l’enchantement des amateurs.
Les 2 eaux-de-vie utilisent pratiquement les mêmes dénominations de qualité en fonction de l’âge :
  • VS (ou 3 étoiles)
  • VSOP
  • XO, Hors d'Âge
L’AOC cognac utilise cependant un certain nombre de termes supplémentaires pour caractériser plus finement les XO.
En dehors de ces catégories de qualité, les 2 AOC produisent aussi des millésimes. La production des millésimes semble plus prononcée pour l’Armagnac que pour le Cognac, ce dernier étant la plupart du temps un assemblage de cognacs d’âges différents.
4ième point partiellement commun au cognac et à l’armagnac :
Les 2 appellations autorisent des cépages bien spécifiques pour leurs productions tout en ayant certains cépages en commun, mais à des degrés d’importance différents :
L’ugni blanc est dominant dans les 2 AOC. Par ailleurs, les 2 autres cépages en commun aux 2 AOC sont la folle blanche et le colombard. L’ugni blanc est prédominant pour le cognac à raison de quelques 95 % contre 60 % pour l’armagnac. Le Baco représente quelque 35 % en ce qui concerne l’armagnac.
5ième point partiellement commun au cognac et à l’armagnac :
Les 2 AOCs utilisent des barriques bien spécifiques pour le vieillissement :
Pour le cognac, les bois du chêne du Limousin et le chêne tronçonnais sont les seuls autorisés. Le chêne du Limousin qui a un grain gros et dur, est plus poreux et donne des tanins très appréciés. Par contre le chêne tronçonnais est plus tendre, mais son grain fin entraîne une évolution plus lente et moins boisée.
Pour l’armagnac, le chêne du Limousin est aussi utilisé, en dehors du chêne des forêts de Gascogne.
6ème point partiellement commun au cognac et à l’armagnac :
Les sols ont évidemment aussi leur importance et ont certaines similitudes plus ou moins prononcées.
Les crus du cognac présentent, selon les différents crus, des sols argilocalcaires (calcaire tendre, crayeux, du crétacé), des sols silico-argileux à silex résultant de la décarbonatation du calcaire), des groies (sols argilocalcaires superficiels rouges et très caillouteux, d’un calcaire dur du Jurassique et de sols très argileux pour le reste)  et des sols sableux (sables apportés par le Massif Central).
Les territoires de l’armagnac présentent de la boulbène (sol argilo-sableux), des sols argilo-calcaires. Certaines parties comprennent des galets, ce qui les rend difficile à travailler.
7ième point partiellement commun au cognac et à l’armagnac :
Les deux AOC prescrivent une date avant laquelle la distillation doit être terminée qui est le 31 mars de l’année suivant la récolte. La distillation du cognac ne peut débuter qu’au 15 novembre. Une telle contrainte de début de distillation ne semble pas exister pour l’armagnac.
8ième point partiellement commun au cognac et à l’armagnac :
Le vieillissement des eaux-de-vie est caractéristique des 2 AOCs. L’évaporation « naturelle » de l’alcool à travers les pores du bois de chêne est plus ou moins rapide en fonction de la constitution du bois. Il s’agit de la part des anges. Mais le point de départ en degré d’alcool est légèrement différent pour les 2 AOCs à cause des 2 méthodes de distillation différentes prédominantes pour chacune des 2 AOCs. Le produit de départ pour le vieillissement a donc des pourcentage d’alcool différents. En effet, pour le cognac, la double distillation (dite aussi charentaise) est imposée, faisant que le produit à la sortie définitive de la distillation titre aux environs de 70 % d’alcool. Par contre, pour l’armagnac, la distillation continue armagnacaise est plutôt la règle, ce qui fait que le produit à sortie ne présente qu’entre 52 et 62 % d’alcool. Cependant, la distillation charentaise n’est pas défendue pour l’armagnac et certaines maisons l’utilisent.
Une conséquence est la suivante : Il est donc logique qu’en fonction du pourcentage différent de départ au vieillissement, l’évaporation naturelle durerait donc plus ou moins longtemps pour arriver au pourcentage d’alcool du produit commercialisé.
9ième point partiellement commun au cognac et à l’armagnac :
En général, le produit final des 2 AOC présente généralement 40 % d’alcool. En fonction du pourcentage d’alcool des produits de base au départ de la distillation, l’évaporation naturelle pour arriver au 40 % nécessiterait un temps plus ou moins long, en général plus long pour le cognac que pour l’armagnac. On dit que pour arriver au 40 % d’alcool du cognac par évaporation naturelle, il faudrait quelques 50 ans. Les eaux-de-vie des 2 AOCs ne sont généralement pas vieillies pendant ce laps de temps. Afin de pouvoir les commercialiser plus rapidement, il est autorisé de les couper avec de l’eau distillée ou avec de « petites eaux », un mélange d’eau distillée avec de l’armagnac ou de cognac selon l’AOC concernée.
10ième point partiellement commun au cognac et à l’armagnac :
Les 2 AOCs ont des produits dérivés sur base de leur eau-de-vie respective. Pour le cognac, il s’agit du Pineau de Charentes. L’armagnac a son Floc de Gascogne.
Le Floc de Gascogne est un mariage entre deux tiers de jus de raisin (issu d’une légère pressée) , ce qui donne le moût, et un tiers d'armagnac jeune qui sont mariés dans une cuve à l’abri de l’air (jusqu’à la fin de l’hiver), ce qui stoppe la fermentation. Le Floc de Gascogne ne vieillit pas en fûts de chêne comme c’est le cas pour le Pineau de Charentes (voir ci-après). Précisons que les cépages autorisés pour produire le moût sont en partie différents des cépages autorisés pour produire l’armagnac. Le floc de Gascogne se boit jeune ; c’est dans ses premières années qu’il va exprimer le plus intensément des arômes de fruits rouges, de fleurs, d'écorces d'oranges, d'épices ou de violette libéré par l'armagnac. Il se déguste très frais (5-7° C) et peut se garder jusqu’à trois mois au réfrigérateur après ouverture.
La production du Pineau de Charente présente des analogies. Il y a d’abord le pressurage donnant le moût. Vient ensuite le mutage, processus clé. En effet les moûts de raisin obtenus sont mutés avec l’eau-de-vie de Cognac, titrant au moins à 60 % et âgée au moins d’un an. Cette phase vient interrompre le processus de fermentation des moûts. Le Pineau des Charentes vieillit obligatoirement en fûts de chêne. C’est durant cette phase que ce vin de liqueur acquiert les dernières notes de sa robe aromatique. Le Pineau blanc de Charente vieillit au moins 18 mois, dont 12 mois sous bois. Le Pineau rosé ou rouge vieillit 12 mois, dont 8 sous bois.
11ième point partiellement commun au cognac et à l’armagnac :
La distillation de vin est à la base des 2 AOCs, mais les principes des méthodes appliquées font, à mon avis, toute la différence entre ces produits finis. C’est pour ces raisons que nous nous voyons obligés de voir un peu en détail les deux méthodes de distillation.
Nous rappelons les principes de distillation du cognac (voir article « L’élaboration du cognac » de ce blog), par copie d’un extrait de cet article :
1.       La distillation débute le 15 novembre et doit être terminée le 31 mars de l’année suivante.
2.       Signalons que la distillation peut se faire à la lie ou non, la distillation à la lie pouvant apporter des bonifications aux cognacs en phase de vieillissement.
3.       Le vin blanc est introduit dans la chaudière pour la première chauffe.
4.       Le vin est porté à ébullition et, chauffé par une flamme directe, ce qui a comme conséquence que  la lie tombe au fond de l’alambic. Le contrôle du feu est très important. La chauffe doit se faire à petit feu pour ne pas brûler la lie qui joue un rôle important dans la formation des arômes et la longueur en en bouche, en quelque sorte à la base du corps du cognac.
5.       Les vapeurs d’alcools (rappel : point d’ébullition de l’éthanal est de 21 ° et celui de l’alcool éthylique 78,3 °) générées en premier lieu par l‘ébullition, montent les premières, passent par le chapiteau, puis par le col du cygne pour être refroidies dans le serpentin.
6.       Le serpentin, refroidi par l’eau du réfrigérant,  provoque la condensation des vapeurs d’alcools qui s’écoulent pour donner le brouillis.
7.       Les premiers (dix) litres d’alcool, appelés têtes, seront mis de côté. La tête titre  plus de 85% d’alcool. Elle a des odeurs très désagréables, La tête contient des esters d’acide gras, des aldéhydes et des acétales  qui nuiraient à la qualité du cognac. Comme rien ne doit se perdre, il se peut que des distillateurs ajoutent la tête au vin destiné à la prochaine première chauffe. Il s’agit d’évaluer les avantages économiques par rapport aux avantages de qualité.
8.       Après la tête, s’écoule un liquide un peu trouble et laiteux (d’où son nom de brouillis) constitué par des alcools aromatiques. C’est le cœur de la première chauffe. Mais il contient déjà tout le potentiel de la future eau-de-vie. Le brouillis titre de 28 à 32 %vol. Ce brouillis est en soi imbuvable.
9.       Les 100 derniers litres, appelés queue, sont également éliminés. L’art du bouilleur consiste, entre autres, a bien séparer la tête et la queue du brouillis.
10.   La première chauffe est une concentration du moût, ce qui fait que le volume final de la première chauffe (cette dernière débarrassée de la tête et de la queue) a fortement baissé avec un rendement de seulement 750 à 800 litres. Pour la seconde distillation =  « bonne  chauffe», il faut donc rassembler les brouillis de plusieurs premières chauffes.  Pour la seconde chauffe, le volume de départ ne peut pas dépasser 2 500 litres, ce qui fait en gros le volume de 3 premières chauffes.
11.   La première distillation dure environ 9 heures.
12.   Le brouillis refroidi va repasser dans la chaudière pour une deuxième distillation, appelée bonne chauffe. Le même processus recommence, mais il y aura des différences qualitatives importantes.
13.   De nouveau, la tête (1 à 2 % du volume) est éliminée car trop riche en alcool et esters.
14.   Le liquide sortant du serpentin, après la coulée de la tête, est appelée le cœur. C’est une eau-de-vie claire et limpide titrant entre 68 et 72 % vol. C’est la base du futur cognac.
15.   Quand le cœur ne titre plus que 60 % vol, le distillat qui suit est de nouveau retiré. L’alcool, sortant et séparé du coeur, baisse progressivement  en %, et est appellé « secondes ». Si le taux de 5% vol des secondes est atteint, le distillat suivant est appelé (de nouveau) queue.
16.   La tête récupérée, est ajoutée au moût/vin. Les queues sont ajoutées, soit au vin, soit au brouillis. C’est une décision du bouilleur de crus.
17.   Les « secondes », titrant donc entre 5 et 60 %vol, sont  ajoutées soit au brouillis pour la bonne chauffe, soit incorporées dans la première chauffe. Les secondes ont un volume d’environ 30 % du volume du brouillis.
18.   Le cœur de la bonne chauffe, ne fait que 40 % du volume du brouillis (2 500 litres maximum)
19.   La deuxième chauffe dure environ 13 heures.
20.   Les opérations de la séparation des têtes, brouillis et queue pour la première chauffe ainsi que la séparation en tête, cœur, secondes et queue de la bonne chauffe sont appelées « coupes », à ne pas confondre avec les coupes effectuées au niveau des opérations de vieillissement (voir plus loin).

Ci-après le schéma de l’alambic charentais :

La distillation de l’armagnac n’est, de nos jours, généralement pas double, mais consiste dans une distillation continue. Néanmoins, certains producteurs d’armagnac pratiquent encore la distillation charentaise car elle est l’ancêtre de la méthode de distillation actuelle.

L’alambic pour distiller l’armagnac est une conception tout à fait différente. Rappelons que, comme pour le cognac, la distillation de l’armagnac doit être achevée au plus tard le 31 mars de l’année qui suit la récolte.

Il y a une video qui illustre bien ce déroulement de la distillation armagnacaise. Le link est le suivant : http://www.armagnac-lafitte.com/lalambic-armagnacais/ du site du Domaine à Lafitte (http://www.armagnac-lafitte.com/la-famille-bachos/ ). Nous vous invitons à consulter ce site. Le processus de distillation est le suivant :


·         La cuve de charge est alimentée en vin de manière à y maintenir un niveau constant.

·         Le vin descend de la cuve de charge et entre dans l’alambic par le bas du réfrigérant.

·         Il monte vers le haut du chauffe-vin où il se réchauffe progressivement grâce à la chaleur dégagée par les vapeurs dans le serpentin. Arrivé au sommet du chauffe-vin, le vin déjà chaud s’écoule vers la colonne et se déverse sur le plateau supérieur.
·       Un trop-plein de ce plateau supérieur déverse l’excédent vers le plateau inférieur.

·       Le vin descend de plateau en plateau où il subit le processus de distillation jusque dans la chaudière.

·       Un siphon permet d’évacuer le résidu de la distillation que l’on appelle les vinasses.

·       Le foyer, chauffé au bois ou au gaz, fait bouillir les vins dans la chaudière et les vapeurs émises remontent de plateau en plateau selon un circuit inversé à celui du vin.

·       Les vapeurs montent par des cheminées surmontées de barboteurs et, poussées par la pression et la température, elles traversent le vin (descendant) dans lequel elles barbotent.

·       Chaque plateau est ainsi le siège d’un échange et d’un équilibre particulier : les vapeurs prennent au vin l’alcool et les substances volatiles les plus légères ; les impuretés restent dans le liquide qui s’évacuera par la chaudière (vinasses).

·       Arrivées en haut de la colonne, les vapeurs d’Armagnacs s’échappent pas le col du cygne.

·       Les vapeurs sont conduites dans le serpentin où elles se condensent grâce à un échangeur de chaleur, avec l’extérieur du serpentin.

·       Les vapeurs cèdent la chaleur au vin dans le chauffe-vin et se condensent. Puis, progressivement, elles se refroidissent dans le réfrigérant.

·       L’eau-de-vie d’Armagnac, parfaitement cristalline, coule au bas du réfrigérant dans un porte-alcoomètre permettant de mesurer son degré alcoolique. Elles est alors recueillie dans une pièce de chêne.

Une des grandes différences entre les 2 méthodes de distillation est la séparation des produits « intermédiaires » de la distillation.

En ce qui concerne la distillation charentaise, La séparation possible des têtes et queues lors des deux distillations, du brouillis lors de la première distillation, du cœur et des secondes lors de la deuxième distillation permettent une maîtrise plutôt nuancée des inputs, des produits intermédiaires et des outputs. Par ailleurs, la distillation charentaise permet aussi d’éliminer des produits de saponification qui peuvent nuire à la qualité du cognac.

La distillation armagnacaise ne permet pas cette gestion des inputs, produits intermédiaires et des produits finaux à cause de la distillation continue. Il est vrai que les vinasses sont éliminées. Il est aussi vrai que les vapeurs résultant de la distillation peuvent s’enrichir des arômes et saveurs du vin descendant sur les plateaux.

En ce qui concerne la distillation charentaise, la double distillation permet de créer en principe plus de composés odorants. Ci-après, un extrait de l’article du blog concernant l’élaboration du cognac :

« Les vapeurs des 2 chauffes ne contiennent pas seulement de l’alcool et de l’eau, mais aussi de nombreux composés aromatiques volatiles, à la base des arômes primaires  (provenant du raisin par concentration) et secondaires, ces dernières ayant été nouvellement créés par la distillation sur base de certaines particules contenues dans le moût.

Véronique Lemoine (« Les arômes du cognac ») : « La distillation va donc permettre de vaporiser de multiples composés odorants, qui seront entraînés avec les vapeurs d’eau et d’alcool et recueillis dans le distillat, le liquide final. Et comme le distillat sera bien plus concentré que le vin de départ, nous pourrons sentir les arômes qui étaient déjà présents dans le vin, mais à des concentrations si faibles que nous ne pouvions pas les percevoir. »

Véronique Lemoine précise encore dans son livre que chaque arôme possède son propre point d’ébullition et va donc être entraîné plus ou moins facilement par l’alcool. Les arômes vont donc s’évaporer l’un après l’autre, ce qui permet de les séparer et de choisir les parfums désirés.

Par ailleurs, la distillation par des réactions chimiques d’autres composants, va créer des arômes qui n’existaient pas auparavant. »

Est-ce qu’il faut donner une prééminence en matière de « qualité » au mélange « vapeurs-vin descendant » dans la distillation armagnaçaise continue ou peut-on supposer que la double distillation charentaise, permettant de jouer sur les composants par leur séparation et renforçant les arômes tout en en créant des nouveaux (arômes secondaires), apporte des avantages sur le plan des arômes et saveurs ?

Aux experts de débattre cette question. 12ième

12ième point partiellement commun au cognac et à l’armagnac :

Il y a certainement des similitudes, plus ou moins proches, en ce qui concerne les arômes et saveurs des 2 eaux-de-vie. Ainsi, la notion de rancio est courante dans les 2 AOCs.

Ceci n’est pas illogique dans le sens que les 2 AOCs ont une certaine correspondance entre les cépages principaux (ugni blanc et folle blanche par exemple)

Même si les climats des territoires des 2 AOCs ne sont pas tout à fait les mêmes (le climat du territoire de l’AOC Armagnac est  plus chaud et tandis que celui de l’AOC du Cognac est plus tempéré car se situant un peu plus au Nord), il ne faut pas oublier que les territoires ne sont séparés que par la hauteur d’un département (bande constitué par la Gironde et la Dordogne). Il y a aussi certaines similitudes au niveau du sol.

Mais il y a certainement des différences car l’ugni blanc de la Charente ne donne pas la même vigne que l’ugni blanc du Haut Armagnac.

On a vu les différences entre les deux méthodes de distillation. Il peut y avoir des différences au niveau des barriques si le producteur n’utilise pas le chêne du Limousin, commun aux 2 AOCs.

Le degré d’alcool au départ du vieillissement n’est pas le même non plus.

Le B.N.I.C. a développé la roue des arômes pour montrer la richesse du Cognac.


Je vous invite à lire l’article « Arômes et saveurs du cognac, sa dégustation » de ce blog pour approfondir la question.

Le B.N.I.A. a fait un exercice analogue( http://www.armagnac.fr/les-parfums-de-l-armagnac  . Mieux vaut consulter le site car l’image est plus lisible:

Ainsi le B.N.I.A. décrit comme suit le contexte des arômes :

"Les producteurs d'Armagnac regroupent ces arômes par famille aromatique avec des spécificités propres à cette eau-de-vie et à l'évolution vers la maturité : un nez chaleureux et des arômes qui évoquent la cuisson et la concentration des notes fruitées et florales du vin dans l'alambic sont la base aromatique de l'Armagnac jeune. Les familles aromatiques qui suivent témoignent du mariage de l'eau-de-vie et du bois (les notes de pâtisserie en sont une illustration) et de la lente évolution des arômes fruités et boisés. Après vingt ans, beaucoup d'Armagnacs sont qualifiés de « rancio », un terme qui décrit une grande maturité de l'eau-de-vie."

Ainsi, un (parmi d’autres) coffret d’entraînement commercialisé pour reconnaître les arômes de l’armagnac contient les 12 arômes suivants, soi-disant typique : tilleul, miel, poire, coing, pruneau, orange confite, noix, cuir, chêne, vanille, poivre, cacao.

Un coffret analogue pour le cognac table sur les arômes suivants : tabac, toast, vanille, café, poivre, cannelle, réglisse, noisette, amande, chêne, écorce d’orange, pruneau.

Il n’y a que 4 correspondances entre ces 2 coffrets, ce que cela veut toujours dire car on se trouve sur un terrain très subjectif finalement.

Cependant, l’analyse des 2 schémas précédents, plus exhaustifs en matière d’arômes, révèlerait d’autres correspondances que les 4 arômes communs aux 2 coffrets mentionnés.

Mais ce sujet vaut une analyse plus approfondie. Heureusement qu’il y ait des différences entre ces deux eaux-de-vie. Autrement, on pourrait en boire indifféremment l’un ou l’autre sans goûter aux plaisirs spécifiques de chacune d’elles, ce qui serait plutôt ennuyeux.

13ième point partiellement commun au cognac et à l’armagnac :

Si on analyse l’offre commerciale des 2 eaux-de-vie, on remarque qu’il y a une prédominance de millésimes au niveau de l’armagnac par rapport au cognac. Ceci peut avoir plusieurs raisons.

Une première cause peut résider dans la structure des producteurs. L’armagnac semble être couvert plutôt par des producteurs indépendants produisant chaque année leur armagnac en ayant une certaine tendance à en faire des millésimes. Par ailleurs, la superficie limitée de leurs propriétés incite peut-être moins à faire des assemblages, comme c’est plutôt la règle au niveau du cognac. Même s’il y a pas mal de producteurs indépendants en cognac, le millésime est plutôt l’exception. En effet, les producteurs de cognac créent chacun des cuvées spécifiques qu’il faut reproduire chaque année dans un esprit de continuité en faisant les assemblages en conséquence. Ceci ne semble pas être tellement le cas au niveau des producteurs d’armagnac dont les cuvées sont caractérisées la plupart du temps par les millésimes seulement.

Le site du Domaine à Lafitte s’exprime en ce sens en ce qui concerne la spécificité armagnacaise des millésimes . « La qualité de chaque millésime est en partie liée aux conditions climatiques de l’année. C’est pour cette raison que la plupart des millésimes sont potentiellement commercialisables dans la région armagnacaise. Pour autant ces eaux-de-vie à part demandent un soin particulier, un élevage individualisé, adapté à chaque eau-de-vie et finalement une sélection des années ou des pièces qui seront millésimées. Au bout du compte, chaque millésime de chaque producteur a sa personnalité propre, son style dominant  fait d’arômes pâtissiers ou fruits secs, de notes volatiles ou plus douces, de puissance ou au contraire de légèreté. C’est le domaine du cousu main, du très haut de gamme. »

Au niveau du cognac, la chaîne de production est plus compartimentée au niveau des processus et activités, à l’exception des productions indépendants assumant l’intégralité des opérations (de la vigne au cognac commercialisé). Ainsi, les grandes maisons achètent essentiellement le « cœur » auprès de distillateurs spécialisés ou auprès de vignerons qui font eux-mêmes la distillation de leurs vignes pour fournir le cœur à ces négociants (Hennesy, Delamain, Courvoisier, Martell, Camus et autres). Ceci semble logique eu égard aux quantités importantes produites par les grandes maisons de cognac.

Ainsi, certains sites sur Internet (sans disposer de moyens de vérification) indiquent que quelques 300 producteurs d’armagnac commercialisent en bouteille, qu’il y a 40 maisons de négoce et 9 caves coopératives. La surface produisant des vins destinés à l’armagnac serait de quelques 2.000 hectares (11.007 hectares en 1995), surface en forte régression. La production annuelle s’élèverait à quelques 6 millions de bouteilles.

En ce qui concerne le cognac, quelques 4.900 exploitants contribueraient à la production des vins blancs consacrés au cognac. Le B.N.I.C. fait état de 868 viticulteurs-livreurs de vin, de 4.085 viticulteurs bouilleurs de crus et de 423 vendeurs directs de leur production de A-Z. Par ailleurs, il y aurait 113 bouilleurs de profession, 273 négociants expéditeurs, 88 négociants de place et seulement 4 coopératives pour ce secteur important. La production annuelle serait de quelques 180 millions de bouteilles, sachant que les volumes de cognac dans les barriques en état de vieillissement sont un multiple.

L’armagnac produit quelques 20.000 d’hectolitres d’eaux-de-vie vieillies contre 812.000 hectolitres pour le cognac.

Il semble par ailleurs que rien que le volume annuel de la part des anges du cognac serait l’équivalent de quelques 22 millions de bouteilles, à comparer à la production annuelle de 6 millions de bouteilles d’armagnac.

Je pense que ces données expliquent pour beaucoup certaines spécificités des 2 produits.

Remarque finale :

Un tour succinct de l’état de l’art de ces 2 eaux-de-vie a été ainsi fait, montrant qu’on a bien intérêt à se familiariser avec ces 2 produits (à la fois semblables par certains côtés, mais aussi différents par d’autres aspects), pour bien faire la part des choses. Il se peut qu’on reste amateur de son premier choix personnel pour une des 2 AOCs, sans cependant renoncer à goûter à l’autre produit en fonction des circonstances.

Ainsi, pour moi personnellement, si un restaurant n’offre pas un cognac XO, je goûterais volontiers un bon armagnac si jamais ce restaurant « défaillant en cognac» peut m’en en offrir un (et vice-versa pour un amateur d’armagnac).