Le présent article a pour but de montrer les similitudes et
les différences entre ces 2 eaux-de-vie. Si des détails peuvent être recherchés
sur ce blog (dans d’autres articles) en ce qui concerne le cognac, tel n’est
pas le cas pour l’armagnac. Rappelons que le présent blog est consacré au
cognac. Je ne me permets pas non plus d’évaluer ces deux eaux-de-vie entre
elles et/ou déclarer l’une supérieure à l’autre. Il y en a qui préfèrent le
cognac, d’autres l’armagnac, chacun ayant ses raisons, mais il y en a
certainement aussi qui adorent les deux.
Il ne faut pas cacher que le présent article, avec les
recherches nécessaires d’un consommateur-amateur de cognac, avait aussi comme
objectif de faire brièvement le tour des spécificités de ces 2 eaux-de-vie pour
mieux cerner les subtilités des 2 produits afin de permettre de les
différencier objectivement. Qui dit consommateur, dit aussi non-expert. Ceci
entraîne ma demande que des experts avertis
sont invités à me donner des feedbacks sur les erreurs que j’aurais
commises.
Le cognac et
l’armagnac par rapport à d’autres eaux-de-vie :
Précisons d’office que le cognac et l’armagnac
sont des eaux-de-vie obtenues sur base d’une distillation (simple ou double) de
vin [Branntwein (allemand), brandewijn
(néerlandais), spirits (anglais)].
Tel n’est pas le cas pour d’autres eaux-de-vie. Ainsi, selon
Wikipédia, les bases pour obtenir d’autres eaux de vie sont les
suivantes : pour le «whisky (moût
de maïs, blé ou orge), la vodka (blé
ou pomme de terre), l’aquavit
(céréales ou pomme de terre), le rhum
(canne à sucre), le calvados et lambig
(cidre ou poiré), le saké (riz), la tequila et le mezcal (agave tequilana), le gin
et le genièvre (orge, seigle, maïs
et baies de genévrier), l’abricotine,
la gentiane, la boukha (figue), le kirsch
(cerise) et autres.
En dehors du cognac et de l’armagnac, on trouve encore
essentiellement en France les eaux-de-vie suivantes : Fine de Bourgogne,
calvados, la Kirsch et les marcs dans différentes régions de la France.
Certains marcs
(dont la base est un sous-produit de la vinification) sont des appellations
reconnues, à l’instar du cognac et de l’armagnac :
- Eau-de-vie de marc de Muscat de Beaumes-de-Venise
- Eau-de-vie de marc de Châteauneuf-du-Pape
- Eau-de-vie de marc de Gigondas
- Eau-de-vie de marc de Beaujolais
- Eau-de-vie de marc de Chardonnay
- Eau-de-vie de marc de Bourgogne
- Eau-de-vie de marc du Jura
- Eau-de-vie de marc d'Auvergne
- Eau-de-vie de marc de gewurztraminer d'Alsace
- le marc d'Alsace, AOC depuis 2009
L'eau-de-vie de marc est le produit
d'un procédé de distillation du marc de raisin (tout ce qui reste du pressurage
des raisins : peaux, rafles et pépins), préalablement fermenté.
1er point commun au cognac et à l’armagnac :
Le mot d’ordre est donné : AOC. Selon Wikipédia, « l'appellation
d'origine contrôlée (AOC) est un label officiel français identifiant un
produit dont les étapes de fabrication (production et transformation) sont
réalisées dans une même zone géographique et selon un savoir-faire reconnu.
Rappelons que l’AOC ne couvre pas
seulement le vin et les eaux-de-vie, mais encore les cidres, fruits, légumes,
produits laitiers, miels et autres. L’AOC/AOP pour le cognac est reconnue
depuis 1919 par rapport à celle de l’armagnac qui existe depuis 1936.
Pour le cognac :
Le cahier des charges concernant
le cognac définit explicitement les communes autorisées par département,
arrondissements et cantons dans lesquels celui-cipeut-être produit. Cet
ensemble de lieux « autorisés » est départagé en 6 crus et
terroirs (voir article « Les crus du Cognac » dans le présent
blog, archives 30 août 2015) :
·
Grande Champagne
·
Petite Champagne
·
Borderies
·
Fins Bois
·
Bons Bois
·
Bois ordinaires.
La carte des crus du Cognac.
Les départements essentiellement concernées
sont la Charente et la Charente Maritime.
Pour l’armagnac :
L’armagnac dispose, comme pour le
cognac, aussi de son cahier de charges.
Les appellations d’origine
contrôlée « armagnac » sont produites dans les 3 départements du
Gers, des Landes et du Lot-et-Garonne, se situant plus au Sud des 2 Charentes,
territoire AOC du Cognac.
On peut caractériser cette
situation géographique encore d’une autre manière en disant que les 2 AOC sont,
en gros, séparées par les 2 départements de la Gironde et de la Dordogne. Il
n’est donc pas étonnant qu’on retrouve des similitudes, comme aussi des
différences à cause de cette proximité géographique, malgré un certain
éloignement, les territoires de l’Armagnac ayant par exemple un climat plus
chaud.
On distingue essentiellement les 3
territoires suivants en ce qui concerne l’armagnac :
- Le Bas-Armagnac
- L'armagnac Ténazère
- Le Haut-Armagnac
Signalons que le whiskey, la vodka
et le rhum ne sont pas des AOC et que ces eaux-de-vie peuvent être produites
n’importe où dans le monde. Ainsi un Luxembourgeois pourrait produire du
whiskey au Luxembourg, un belge de la Vodka dans son pays et un thaïlandais du
rhum dans son Far East. Il suffit d’avoir la matière première sous la main. Ce qui ne veut pas dire qu’il n’y ait
pas des pays spécialisés dans la production de certaines eaux de vie : le
whiskey écossais, le rhum cubain ou la vodka russe, par exemple.
2ième point commun au cognac et à l’armagnac :
Les 2 appellations sont
chaperonnées par des bureaux nationaux interprofessionnels :
·
Pour le cognac : B.N.I.C. (bureau national
interprofessionnel du cognac)
·
Pour l’Armagnac : B.N.I.A. (bureau national
interprofessionnel de l’armagnac)
Ces deux bureaux ont des missions
similaires : assistance technique et pratique, études et recherches,
contrôle et suivi de la production et des produits, veille de l’application des
règles découlant de l’AOC, assurance de la promotion du produit et autres
activités.
3ième point commun au cognac et à l’armagnac :
Le vieillissement des produits sortants de la distillation est un des
processus clé dans la production des 2 eaux-de-vie, sachant cependant que
beaucoup d’autres paramètres ont aussi leur importance, le concours des tous
ces facteurs étant nécessaire pour faire des produits de qualité avec leurs
spécificités faisant l’enchantement des amateurs.
Les 2 eaux-de-vie utilisent
pratiquement les mêmes dénominations de qualité en fonction de l’âge :
- VS (ou 3 étoiles)
- VSOP
- XO, Hors d'Âge
L’AOC cognac utilise cependant un
certain nombre de termes supplémentaires pour caractériser plus finement les
XO.
En dehors de ces catégories de
qualité, les 2 AOC produisent aussi des millésimes.
La production des millésimes semble plus prononcée pour l’Armagnac que pour le
Cognac, ce dernier étant la plupart du temps un assemblage de cognacs d’âges
différents.
4ième point partiellement commun au cognac et à l’armagnac
:
Les 2 appellations autorisent des cépages bien spécifiques pour leurs
productions tout en ayant certains cépages en commun, mais à des degrés
d’importance différents :
L’ugni blanc est dominant dans les
2 AOC. Par ailleurs, les 2 autres cépages en commun aux 2 AOC sont la folle
blanche et le colombard. L’ugni blanc est prédominant pour le cognac à raison
de quelques 95 % contre 60 % pour l’armagnac. Le Baco représente quelque 35 %
en ce qui concerne l’armagnac.
5ième point partiellement commun au cognac et à l’armagnac
:
Les 2 AOCs utilisent des barriques bien spécifiques pour le
vieillissement :
Pour le cognac, les bois du chêne du Limousin et le chêne
tronçonnais sont les seuls autorisés. Le chêne du Limousin qui a un grain gros
et dur, est plus poreux et donne des tanins très appréciés. Par contre le chêne
tronçonnais est plus tendre, mais son grain fin entraîne une évolution plus lente
et moins boisée.
Pour l’armagnac, le chêne du Limousin est aussi utilisé, en dehors
du chêne des forêts de Gascogne.
6ème point partiellement commun au cognac et à l’armagnac
:
Les sols ont évidemment aussi leur importance et ont certaines
similitudes plus ou moins prononcées.
Les crus du cognac présentent, selon les différents crus, des sols
argilocalcaires (calcaire tendre, crayeux, du crétacé), des sols
silico-argileux à silex résultant de la décarbonatation du calcaire), des
groies (sols argilocalcaires superficiels rouges et très caillouteux, d’un
calcaire dur du Jurassique et de sols très argileux pour le reste) et des sols sableux (sables apportés par le
Massif Central).
Les territoires de l’armagnac présentent de la boulbène (sol
argilo-sableux), des sols argilo-calcaires. Certaines parties comprennent des
galets, ce qui les rend difficile à travailler.
7ième point partiellement commun au cognac et à l’armagnac
:
Les deux AOC prescrivent une date avant laquelle la distillation doit
être terminée qui est le 31 mars de l’année suivant la récolte. La
distillation du cognac ne peut débuter qu’au 15 novembre. Une telle contrainte
de début de distillation ne semble pas exister pour l’armagnac.
8ième point partiellement commun au cognac et à l’armagnac
:
Le vieillissement des eaux-de-vie
est caractéristique des 2 AOCs. L’évaporation « naturelle » de
l’alcool à travers les pores du bois de chêne est plus ou moins rapide en
fonction de la constitution du bois. Il s’agit de la part des anges. Mais le
point de départ en degré d’alcool est légèrement différent pour les 2 AOCs à
cause des 2 méthodes de distillation différentes prédominantes pour chacune des
2 AOCs. Le produit de départ pour le
vieillissement a donc des pourcentage
d’alcool différents. En effet, pour le cognac, la double distillation (dite
aussi charentaise) est imposée, faisant que le produit à la sortie définitive
de la distillation titre aux environs de 70 % d’alcool. Par contre, pour
l’armagnac, la distillation continue armagnacaise est plutôt la règle, ce qui
fait que le produit à sortie ne présente qu’entre 52 et 62 % d’alcool.
Cependant, la distillation charentaise n’est pas défendue pour l’armagnac et
certaines maisons l’utilisent.
Une conséquence est la
suivante : Il est donc logique qu’en fonction du pourcentage différent de
départ au vieillissement, l’évaporation naturelle durerait donc plus ou moins
longtemps pour arriver au pourcentage d’alcool du produit commercialisé.
9ième point partiellement commun au cognac et à l’armagnac
:
En général, le produit final des 2 AOC présente généralement
40 % d’alcool. En fonction du
pourcentage d’alcool des produits de base au départ de la distillation,
l’évaporation naturelle pour arriver au 40 % nécessiterait un temps plus ou
moins long, en général plus long pour le cognac que pour l’armagnac. On dit que
pour arriver au 40 % d’alcool du cognac par évaporation naturelle, il faudrait
quelques 50 ans. Les eaux-de-vie des 2 AOCs ne sont généralement pas vieillies
pendant ce laps de temps. Afin de pouvoir les commercialiser plus rapidement,
il est autorisé de les couper avec
de l’eau distillée ou avec de « petites eaux », un mélange d’eau
distillée avec de l’armagnac ou de cognac selon l’AOC concernée.
10ième point partiellement commun au cognac et à l’armagnac
:
Les 2 AOCs ont des produits dérivés sur base de leur eau-de-vie
respective. Pour le cognac, il s’agit du Pineau
de Charentes. L’armagnac a son Floc
de Gascogne.
Le Floc de Gascogne est un
mariage entre deux tiers de jus de raisin (issu d’une légère pressée) , ce qui
donne le moût, et un tiers d'armagnac jeune qui sont mariés dans une cuve à
l’abri de l’air (jusqu’à la fin de l’hiver), ce qui stoppe la fermentation. Le
Floc de Gascogne ne vieillit pas en fûts de chêne comme c’est le cas pour le Pineau
de Charentes (voir ci-après). Précisons que les cépages autorisés pour produire
le moût sont en partie différents des cépages autorisés pour produire
l’armagnac. Le floc de Gascogne se boit jeune ; c’est dans ses premières
années qu’il va exprimer le plus intensément des arômes de fruits rouges, de
fleurs, d'écorces d'oranges, d'épices ou de violette libéré par l'armagnac. Il
se déguste très frais (5-7° C) et peut se garder jusqu’à trois mois au
réfrigérateur après ouverture.
La production du Pineau de
Charente présente des analogies. Il y a d’abord le pressurage donnant le moût.
Vient ensuite le mutage, processus clé. En effet les moûts de raisin obtenus
sont mutés avec l’eau-de-vie de Cognac, titrant au moins à 60 % et âgée au
moins d’un an. Cette phase vient interrompre le processus de fermentation des
moûts. Le Pineau des Charentes vieillit obligatoirement en fûts de chêne. C’est
durant cette phase que ce vin de liqueur acquiert les dernières notes de sa
robe aromatique. Le Pineau blanc de Charente vieillit au moins 18 mois, dont 12
mois sous bois. Le Pineau rosé ou rouge vieillit 12 mois, dont 8 sous bois.
11ième point partiellement commun au cognac et à l’armagnac
:
La distillation de vin est à la base des 2 AOCs, mais les principes
des méthodes appliquées font, à mon avis, toute la différence entre ces
produits finis. C’est pour ces raisons que nous nous voyons obligés de voir un
peu en détail les deux méthodes de distillation.
Nous rappelons les principes
de distillation du cognac (voir article « L’élaboration du
cognac » de ce blog), par copie d’un extrait de cet article :
1.
La distillation débute le 15 novembre et doit
être terminée le 31 mars de l’année suivante.
2.
Signalons que la distillation peut se faire à la
lie ou non, la distillation à la lie pouvant apporter des bonifications aux
cognacs en phase de vieillissement.
3.
Le vin blanc est introduit dans la chaudière
pour la première chauffe.
4.
Le vin est porté à ébullition et, chauffé par
une flamme directe, ce qui a comme conséquence que la lie tombe au fond de l’alambic. Le
contrôle du feu est très important. La chauffe doit se faire à petit feu pour
ne pas brûler la lie qui joue un rôle important dans la formation des arômes et
la longueur en en bouche, en quelque sorte à la base du corps du cognac.
5.
Les vapeurs d’alcools (rappel : point
d’ébullition de l’éthanal est de 21 ° et celui de l’alcool éthylique 78,3 °)
générées en premier lieu par l‘ébullition, montent les premières, passent par
le chapiteau, puis par le col du cygne pour être refroidies dans le serpentin.
6.
Le serpentin, refroidi par l’eau du
réfrigérant, provoque la condensation
des vapeurs d’alcools qui s’écoulent pour donner le brouillis.
7.
Les premiers (dix) litres d’alcool, appelés
têtes, seront mis de côté. La tête titre
plus de 85% d’alcool. Elle a des odeurs très désagréables, La tête
contient des esters d’acide gras, des aldéhydes et des acétales qui nuiraient à la qualité du cognac. Comme
rien ne doit se perdre, il se peut que des distillateurs ajoutent la tête au
vin destiné à la prochaine première chauffe. Il s’agit d’évaluer les avantages
économiques par rapport aux avantages de qualité.
8.
Après la tête, s’écoule un liquide un peu
trouble et laiteux (d’où son nom de brouillis) constitué par des alcools
aromatiques. C’est le cœur de la première chauffe. Mais il contient déjà tout
le potentiel de la future eau-de-vie. Le brouillis titre de 28 à 32 %vol. Ce
brouillis est en soi imbuvable.
9.
Les 100 derniers litres, appelés queue, sont
également éliminés. L’art du bouilleur consiste, entre autres, a bien séparer
la tête et la queue du brouillis.
10.
La première chauffe est une concentration du
moût, ce qui fait que le volume final de la première chauffe (cette dernière
débarrassée de la tête et de la queue) a fortement baissé avec un rendement de
seulement 750 à 800 litres. Pour la seconde distillation = « bonne chauffe», il faut donc
rassembler les brouillis de plusieurs premières chauffes. Pour la seconde chauffe, le volume de départ
ne peut pas dépasser 2 500 litres, ce qui fait en gros le volume de 3
premières chauffes.
11.
La première distillation dure environ 9 heures.
12.
Le brouillis refroidi va repasser dans la
chaudière pour une deuxième distillation, appelée bonne chauffe. Le même
processus recommence, mais il y aura des différences qualitatives importantes.
13.
De nouveau, la tête (1 à 2 % du volume) est
éliminée car trop riche en alcool et esters.
14.
Le liquide sortant du serpentin, après la coulée
de la tête, est appelée le cœur. C’est une eau-de-vie claire et limpide titrant
entre 68 et 72 % vol. C’est la base du futur cognac.
15.
Quand le cœur ne titre plus que 60 % vol, le
distillat qui suit est de nouveau retiré. L’alcool, sortant et séparé du coeur,
baisse progressivement en %, et est
appellé « secondes ». Si le taux de 5% vol des secondes est atteint,
le distillat suivant est appelé (de nouveau) queue.
16.
La tête récupérée, est ajoutée au moût/vin. Les
queues sont ajoutées, soit au vin, soit au brouillis. C’est une décision du
bouilleur de crus.
17.
Les « secondes », titrant donc entre 5
et 60 %vol, sont ajoutées soit au
brouillis pour la bonne chauffe, soit incorporées dans la première chauffe. Les
secondes ont un volume d’environ 30 % du volume du brouillis.
18.
Le cœur de la bonne chauffe, ne fait que 40 % du
volume du brouillis (2 500 litres maximum)
19.
La deuxième chauffe dure environ 13 heures.
20.
Les opérations de la séparation des têtes,
brouillis et queue pour la première chauffe ainsi que la séparation en tête,
cœur, secondes et queue de la bonne chauffe sont appelées « coupes »,
à ne pas confondre avec les coupes effectuées au niveau des opérations de
vieillissement (voir plus loin).
Ci-après le schéma de l’alambic charentais :
La distillation de l’armagnac n’est, de nos jours, généralement pas double, mais consiste dans une distillation continue. Néanmoins, certains producteurs d’armagnac pratiquent encore la distillation charentaise car elle est l’ancêtre de la méthode de distillation actuelle.
L’alambic pour distiller
l’armagnac est une conception tout à fait différente. Rappelons que, comme pour
le cognac, la distillation de l’armagnac doit être achevée au plus tard le 31
mars de l’année qui suit la récolte.
Il y a une video qui illustre bien ce déroulement de la distillation armagnacaise. Le link est le suivant : http://www.armagnac-lafitte.com/lalambic-armagnacais/ du site du Domaine à Lafitte (http://www.armagnac-lafitte.com/la-famille-bachos/ ). Nous vous invitons à consulter ce site. Le processus de distillation est le suivant :
·
La cuve de charge est alimentée en vin de manière
à y maintenir un niveau constant.
·
Le vin descend de la cuve de charge et entre
dans l’alambic par le bas du réfrigérant.
·
Il monte vers le haut du chauffe-vin où il se réchauffe
progressivement grâce à la chaleur dégagée par les vapeurs dans le serpentin. Arrivé au sommet du chauffe-vin, le vin déjà
chaud s’écoule vers la colonne et se déverse sur le plateau supérieur.
· Un trop-plein de ce plateau supérieur déverse
l’excédent vers le plateau inférieur.
· Le vin descend de plateau en plateau où il subit
le processus de distillation jusque dans la chaudière.
· Un siphon permet d’évacuer le résidu de la
distillation que l’on appelle les vinasses.
· Le foyer, chauffé au bois ou au gaz, fait
bouillir les vins dans la chaudière et les vapeurs émises remontent de plateau
en plateau selon un circuit inversé à celui du vin.
· Les vapeurs montent par des cheminées surmontées
de barboteurs et, poussées par la pression et la température, elles traversent
le vin (descendant) dans lequel elles barbotent.
· Chaque plateau est ainsi le siège d’un échange
et d’un équilibre particulier : les vapeurs prennent au vin l’alcool et
les substances volatiles les plus légères ; les impuretés restent dans le
liquide qui s’évacuera par la chaudière (vinasses).
· Arrivées en haut de la colonne, les vapeurs
d’Armagnacs s’échappent pas le col du cygne.
· Les vapeurs sont conduites dans le serpentin où
elles se condensent grâce à un échangeur de chaleur, avec l’extérieur du
serpentin.
· Les vapeurs cèdent la chaleur au vin dans le
chauffe-vin et se condensent. Puis, progressivement, elles se refroidissent
dans le réfrigérant.
· L’eau-de-vie d’Armagnac, parfaitement
cristalline, coule au bas du réfrigérant dans un porte-alcoomètre permettant de
mesurer son degré alcoolique. Elles est alors recueillie dans une pièce de
chêne.
Une des grandes différences entre
les 2 méthodes de distillation est la séparation des produits
« intermédiaires » de la distillation.
En ce qui concerne la distillation charentaise, La séparation
possible des têtes et queues lors des deux distillations, du brouillis lors de
la première distillation, du cœur et des secondes lors de la deuxième
distillation permettent une maîtrise plutôt nuancée des inputs, des produits
intermédiaires et des outputs. Par ailleurs, la distillation charentaise permet
aussi d’éliminer des produits de saponification qui peuvent nuire à la qualité
du cognac.
La distillation armagnacaise ne permet pas cette gestion des inputs,
produits intermédiaires et des produits finaux à cause de la distillation
continue. Il est vrai que les vinasses sont éliminées. Il est aussi vrai que
les vapeurs résultant de la distillation peuvent s’enrichir des arômes et
saveurs du vin descendant sur les plateaux.
En ce qui concerne la distillation
charentaise, la double distillation permet de créer en principe plus de
composés odorants. Ci-après, un extrait de l’article du blog concernant
l’élaboration du cognac :
« Les vapeurs des 2 chauffes
ne contiennent pas seulement de l’alcool et de l’eau, mais aussi de nombreux
composés aromatiques volatiles, à la base des arômes primaires (provenant du raisin par concentration) et
secondaires, ces dernières ayant été nouvellement créés par la distillation sur
base de certaines particules contenues dans le moût.
Véronique Lemoine (« Les arômes
du cognac ») : « La distillation va donc permettre de vaporiser
de multiples composés odorants, qui seront entraînés avec les vapeurs d’eau et
d’alcool et recueillis dans le distillat, le liquide final. Et comme le
distillat sera bien plus concentré que le vin de départ, nous pourrons sentir
les arômes qui étaient déjà présents dans le vin, mais à des concentrations si
faibles que nous ne pouvions pas les percevoir. »
Véronique Lemoine précise encore
dans son livre que chaque arôme possède son propre point d’ébullition et va
donc être entraîné plus ou moins facilement par l’alcool. Les arômes vont donc
s’évaporer l’un après l’autre, ce qui permet de les séparer et de choisir les
parfums désirés.
Par ailleurs, la distillation par
des réactions chimiques d’autres composants, va créer des arômes qui
n’existaient pas auparavant. »
Est-ce qu’il faut donner une
prééminence en matière de « qualité » au mélange « vapeurs-vin
descendant » dans la distillation armagnaçaise continue ou peut-on
supposer que la double distillation charentaise, permettant de jouer sur les
composants par leur séparation et renforçant les arômes tout en en créant des
nouveaux (arômes secondaires), apporte des avantages sur le plan des arômes et
saveurs ?
Aux experts de débattre cette question.
12ième
12ième point partiellement commun au cognac et à l’armagnac
:
Il y a certainement des
similitudes, plus ou moins proches, en ce qui concerne les arômes et saveurs des 2 eaux-de-vie. Ainsi, la notion de rancio est
courante dans les 2 AOCs.
Ceci n’est pas illogique dans le
sens que les 2 AOCs ont une certaine correspondance entre les cépages
principaux (ugni blanc et folle blanche par exemple)
Même si les climats des
territoires des 2 AOCs ne sont pas tout à fait les mêmes (le climat du
territoire de l’AOC Armagnac est plus
chaud et tandis que celui de l’AOC du Cognac est plus tempéré car se situant un
peu plus au Nord), il ne faut pas oublier que les territoires ne sont séparés
que par la hauteur d’un département (bande constitué par la Gironde et la
Dordogne). Il y a aussi certaines similitudes au niveau du sol.
Mais il y a certainement des
différences car l’ugni blanc de la Charente ne donne pas la même vigne que
l’ugni blanc du Haut Armagnac.
On a vu les différences entre les
deux méthodes de distillation. Il peut y avoir des différences au niveau des
barriques si le producteur n’utilise pas le chêne du Limousin, commun aux 2
AOCs.
Le degré d’alcool au départ du
vieillissement n’est pas le même non plus.
Le B.N.I.C. a développé la roue
des arômes pour montrer la richesse du Cognac.
Je vous invite à lire l’article « Arômes
et saveurs du cognac, sa dégustation » de ce blog pour approfondir la
question.
Le B.N.I.A. a fait un exercice
analogue( http://www.armagnac.fr/les-parfums-de-l-armagnac
. Mieux vaut consulter le site car l’image est plus lisible:
Ainsi le B.N.I.A. décrit comme
suit le contexte des arômes :
"Les producteurs d'Armagnac
regroupent ces arômes par famille aromatique avec des spécificités propres à
cette eau-de-vie et à l'évolution vers la maturité : un nez chaleureux et des
arômes qui évoquent la cuisson et la concentration des notes fruitées et
florales du vin dans l'alambic sont la base aromatique de l'Armagnac jeune. Les
familles aromatiques qui suivent témoignent du mariage de l'eau-de-vie et du
bois (les notes de pâtisserie en sont une illustration) et de la lente
évolution des arômes fruités et boisés. Après vingt ans, beaucoup d'Armagnacs
sont qualifiés de « rancio », un terme qui décrit une grande maturité de
l'eau-de-vie."
Ainsi, un (parmi d’autres) coffret
d’entraînement commercialisé pour reconnaître les arômes de l’armagnac contient les 12 arômes
suivants, soi-disant typique : tilleul, miel, poire, coing, pruneau, orange confite, noix, cuir, chêne,
vanille, poivre, cacao.
Un coffret analogue pour le cognac table sur les arômes
suivants : tabac, toast, vanille, café, poivre, cannelle, réglisse, noisette, amande, chêne, écorce d’orange, pruneau.
Il n’y a que 4 correspondances
entre ces 2 coffrets, ce que cela veut toujours dire car on se trouve sur un
terrain très subjectif finalement.
Cependant, l’analyse des 2 schémas
précédents, plus exhaustifs en matière d’arômes, révèlerait d’autres
correspondances que les 4 arômes communs aux 2 coffrets mentionnés.
Mais ce sujet vaut une analyse
plus approfondie. Heureusement qu’il y ait des différences entre ces deux
eaux-de-vie. Autrement, on pourrait en boire indifféremment l’un ou l’autre
sans goûter aux plaisirs spécifiques de chacune d’elles, ce qui serait plutôt
ennuyeux.
13ième point partiellement commun au cognac et à l’armagnac
:
Si on analyse l’offre commerciale
des 2 eaux-de-vie, on remarque qu’il y a une prédominance de millésimes au
niveau de l’armagnac par rapport au cognac. Ceci peut avoir plusieurs raisons.
Une première cause peut résider
dans la structure des producteurs. L’armagnac semble être couvert plutôt par
des producteurs indépendants produisant chaque année leur armagnac en ayant une
certaine tendance à en faire des millésimes. Par ailleurs, la superficie
limitée de leurs propriétés incite peut-être moins à faire des assemblages,
comme c’est plutôt la règle au niveau du cognac. Même s’il y a pas mal de
producteurs indépendants en cognac, le millésime est plutôt l’exception. En
effet, les producteurs de cognac créent chacun des cuvées spécifiques qu’il
faut reproduire chaque année dans un esprit de continuité en faisant les
assemblages en conséquence. Ceci ne semble pas être tellement le cas au niveau
des producteurs d’armagnac dont les cuvées sont caractérisées la plupart du
temps par les millésimes seulement.
Le site du Domaine à Lafitte s’exprime en ce sens en ce qui concerne la spécificité armagnacaise des millésimes
. « La qualité de chaque millésime est en partie liée aux conditions
climatiques de l’année. C’est pour cette raison que la plupart des millésimes
sont potentiellement commercialisables dans la région armagnacaise. Pour autant
ces eaux-de-vie à part demandent un soin particulier, un élevage individualisé,
adapté à chaque eau-de-vie et finalement une sélection des années ou des pièces
qui seront millésimées. Au bout du compte, chaque millésime de chaque
producteur a sa personnalité propre, son style dominant fait d’arômes
pâtissiers ou fruits secs, de notes volatiles ou plus douces, de puissance ou
au contraire de légèreté. C’est le
domaine du cousu main, du très haut de gamme. »
Au niveau du cognac, la chaîne de
production est plus compartimentée au niveau des processus et activités, à l’exception
des productions indépendants assumant l’intégralité des opérations (de la vigne
au cognac commercialisé). Ainsi, les grandes maisons achètent essentiellement
le « cœur » auprès de distillateurs spécialisés ou auprès de
vignerons qui font eux-mêmes la distillation de leurs vignes pour fournir le
cœur à ces négociants (Hennesy, Delamain, Courvoisier, Martell, Camus et
autres). Ceci semble logique eu égard aux quantités importantes produites par
les grandes maisons de cognac.
Ainsi, certains sites sur Internet
(sans disposer de moyens de vérification) indiquent que quelques 300
producteurs d’armagnac commercialisent
en bouteille, qu’il y a 40 maisons de négoce et 9 caves coopératives. La
surface produisant des vins destinés à l’armagnac serait de quelques 2.000
hectares (11.007 hectares en 1995), surface en forte régression. La production
annuelle s’élèverait à quelques 6 millions de bouteilles.
En ce qui concerne le cognac, quelques 4.900 exploitants
contribueraient à la production des vins blancs consacrés au cognac. Le
B.N.I.C. fait état de 868 viticulteurs-livreurs de vin, de 4.085 viticulteurs
bouilleurs de crus et de 423 vendeurs directs de leur production de A-Z. Par
ailleurs, il y aurait 113 bouilleurs de profession, 273 négociants expéditeurs,
88 négociants de place et seulement 4 coopératives pour ce secteur important.
La production annuelle serait de quelques 180 millions de bouteilles, sachant
que les volumes de cognac dans les barriques en état de vieillissement sont un
multiple.
L’armagnac produit quelques 20.000
d’hectolitres d’eaux-de-vie vieillies contre 812.000 hectolitres pour le
cognac.
Il semble par ailleurs que rien
que le volume annuel de la part des anges du cognac serait l’équivalent de
quelques 22 millions de bouteilles, à comparer à la production annuelle de 6
millions de bouteilles d’armagnac.
Je pense que ces données
expliquent pour beaucoup certaines spécificités des 2 produits.
Remarque finale :
Un tour succinct de l’état de
l’art de ces 2 eaux-de-vie a été ainsi fait, montrant qu’on a bien intérêt à se
familiariser avec ces 2 produits (à la fois semblables par certains côtés, mais
aussi différents par d’autres aspects), pour bien faire la part des choses. Il
se peut qu’on reste amateur de son premier choix personnel pour une des 2 AOCs,
sans cependant renoncer à goûter à l’autre produit en fonction des
circonstances.
Ainsi, pour moi personnellement,
si un restaurant n’offre pas un cognac XO, je goûterais volontiers un bon
armagnac si jamais ce restaurant « défaillant en cognac» peut m’en en
offrir un (et vice-versa pour un amateur d’armagnac).